Avec le LMD4, la présidence de Nanterre applique l’austérité et renforce la sélection ! (Avril 2019)

Decryptage de la réforme LMD4, par des militant.e.s de l’UNEF (Tendance Action Collective et Luttes Etudiantes) de Nanterre.

Depuis plusieurs mois, la présidence de Nanterre a lancé un grand projet de refonte de l’offre de formation de notre université : le LMD4. Ce projet constitue le quatrième volet de la réforme LMD de 2002, qui sous couvert d’harmonisation européenne consolidait l’adaptation des universités aux attentes et interets du marché du travail, ainsi que la remise en cause du cadre national des diplômes et des droits étudiants et de l’égalité entre les universités. Le projet de la présidence Nanterre rentre totalement dans ce cadre.

Le LMD4 : une Adaptation à une crise budgétaire et casse de nos conditions d’études
L’essence même de ce projet st dépeinte au sein d’une lettre de cadrage votée par les conseils centraux de l’université fin février, afin que les nouvelles maquettes soient votées en septembre 2019, pour quelles puissent entrer en application dès septembre 2020. La présidence de Nanterre explique que le LMD4 doit tenir compte de la soutenabilité budgétaire. Ainsi, alors que le budget de l’enseignement supérieur ne subit que de très faibles augmentations, ce qui n’est clairement pas à la hauteur des besoins, la présidence ne cherche qu’à adapter nos formations à la situation budgétaire dramatique des universités.

La présidence se donne donc comme objectif de réduire de 10% des dépenses liées aux formations de Nanterre. Par une lecture attentive de cette lettre de cadrage, les conséquences sont claires : on entrevoit l‘apologie de l’excellence, de la limitation et de la réduction des choix de parcours offerts aux étudiants. Il est aussi prévu de réduire le temps des cours en présentiel, de favoriser les stages obligatoires en M1. Le LMD4 c’est ausi la suppression de certains CM, la multiplication des cours et examens en lignes, le développement de la pédagogie par projet étudiant et la possibilité de supprimer des filières en sous-effectif (moins de 50 étudiant.e.s en licence et 30 en master). De plus, le LMD4 prévoit que des enseignements (pas des filières) suivis par moins de 8 étudiant.e.s soient considérés en sous effectif. La présidence veut que ces filières en sous-effectif fassent l’objet de dialogue de gestion financière particuliers pour décider de leur suppression ou de leur survie. Par conséquent, l’université se réserve également la possibilité de supprimer les enseignements lorsqu’ils sont suivis par un nombre peu important d’étudiants. In fine avec le LMD4, l’aspect de rentabilité budgétaire prend le pas sur l’aspect pédagogique de développement des enseignements et des connaissances.

Pour exemple, l’UFR SSA veut abandonner le parcours franco-italien en Géographie et aménagement et compte abandonner le parcours «Etudes Urbaines» du master d’urbanisme. Ce n’est qu’un exemple qui a vocation à se généraliser à l’ensemble des filières (comme PHILIA qui veut abandonner les parcours «Philosophie-Anglais», ainsi que «Philosophie et sciences humaines»). Le LMD4 favorise donc la disparition des filières considérées, d’un point de vue financier, comme les moins rentables, ce qui réduira l’accès à toute une série de savoirs. 
La présidence va même jusqu’à expliquer que le tout nouveau projet de formation devra se faire sans augmentation de budget à coût constant, ou qu’il soit  « autofinancé » et, comme c’est le cas des DU aujourd’hui, payé intégralement par les étudiant.e.s.  Par exemple, pour  le « DU Initiation à la langue et la civilisation française » ayant volume horaire de 228 heures, l’inscription est de 2800€ (soit 12,28€ par heure).

Dans cette logique là, le numérique a une place très importante, qui tient presque du fétichisme. La présidence explique qu’elle compte, via les outils numériques,  libérer les étudiant.e.s d’une partie de leur temps en développant le numérique. On assistera, en réalité, à des suppressions de cours, qui ne seront plus assurés, afin de ne pas avoir de personnel à rémunérer. Une fois encore, l’aspect budgétaire prime sur l’aspect pédagogique.

Ajoutons à cela la volonté de la présidence de développer en Master une UE (Unité d’Enseignement) obligatoire intitulée « s’investir pour son université ». La délimitation de cette UE est particulièrement floue, pour autant elle pourrait, par exemple, permettre aux UFR de développer une forme de travail étudiant totalement gratuit pour elles. En effet, le LMD4 prévoit, de surcroît, de multiplier les dispositifs de parrainage à l’intérieur de chaque cycle en développant des activités d’étudiants de M1 en direction des L3. Cet objectif peut paraître positif sur le papier et valorisant : pourtant, on s’apperçoit qu’il s’agit de laisser la porte ouvertes aux UFR pour remplacer des profs, des encadrants payés par l’université, par des étudiant-e-s de master, au même moment où le gouvernement veut remplacer des postes de profs dans les lycées et de les remplacer par des étudiant.e.s AED (dès leur L2).

La professionnalisation : compétences contre connaissances
Cette réforme LMD4 vise à casser les qualifications de nos diplômes. En utilisant l’argument du chômage important chez les jeunes, le LMD4 développe une logique d’accumulation de compétences, de savoir-faire parcellaires directement utilisables sur le marché du travail, justifiant ainsi la création de modules « pré-professionnels », d’écriture de CV, de projet personnel individualisé, etc. Ces modules viennent remplacer du contenu qualifiant. L’approche de la professionnalisation par la présidence, est une approche par compétences, une approche managériale de recrutement RH (ressources humaines) basée sur des compétences personnelles et relationnelles. Elle développe cela via la question des « savoir-etre » et le thème des Soft Skills. 

Ce processus vise à transférer le coût de la formation professionnelle de la main d’oeuvre des entreprises vers l’université. Les « acteurs économiques » ont d’ailleurs une place de plus en plus importante dans les conseils des universités et des COMUEs (regroupements universitaires). Ils pourront faire évoluer le « portefeuille de compétences » dont ils ont besoin comme bon leur semble, sans débourser un centime. C’est aux entreprises de se charger de la formation professionnelle : l’université n’a pas vocation à devenir un centre de formation professionnelle, elle n’est pas responsable des problèmes sur le marché de l’emploi et du chômage des jeunes. En effet, ce sont les grandes entreprises qui en sont responsables, elles licencient alors qu’elles génèrent des profits faramineux.
Dans cette logique de pré-professionnalisation, le LMD4 prévoit de rendre obligatoire les stages en Master et « facultatifs » (pour le moment) en licence. Les stages se multiplient dans de nombreuses filières. Certains sont justifiés, d’autres le sont beaucoup moins et visent à remplacer des cours faute de moyens pour les assurer ; surtout lorsque l’objectif de la présidence de réduire de 10% les dépenses liées formations, ce qui est soit-disant facultatif deviendra très vite obligatoire.  Le gouvernement sous Hollande avait mis en place une loi rendant la gratification /rémunération obligatoire pour les stagiaires de plus de deux mois. Pour autant, les coupes budgétaires dans les structures publiques les empêchent de pouvoir prendre des stagiaires. Ce sont alors des milliers d’étudiants qui se retrouvent dans la galère, sans stage et donc incapables de valider leur année. Dans les cas où les stages sont justifiés nous nous battons pour un encadrement. C’est aux universités d’établir une liste des structures dans lesquelles ont lieu les stages et donc d’offrir des garanties quand à leur mise en oeuvre. C’est dans le cadre de l’université seulement que le stage doit être évalué. Les stages doivent être rémunérés à hauteur du salaire d’embauche dans la branche. Un stagiaire ne peut être laissé en responsabilité, c’est la garantie pour qu’il soit encadré et ne supprime pas d’emploi. 

La Finalisation des dernières réformes : sélection en M1 et arrêté Licence
Depuis la rentrée 2017, les M1 sont sélectifs (sauf en droit), et malgré un soi-disant « droit à la poursuite d’études » de très nombreux étudiants se retrouvent chaque année sans-master. Le LMD4 s’adapte complètement à cette réforme (soutenue en 2016 par la présidence), et au fait que certains étudiant.e.s auront un master et pas d’autres.La présidence compte développer des dispositifs préparatoires au master, afin d’en conditionner l’accès. On peut d’ores et déjà entrevoir que tout étudiant qui n’aura pas accès à ces dispositifs (par manque de place) ou qui ne l’aurait pas choisis, sera d’autant plus privé d’accès à un M1. De plus, alors que la mise en place de la  sélection en M1 devait remplacer celle existant en M2, la lettre de cadrage du LMD4 prévoit qu’un M2 puisse « obéir à des règles d’accès particulières ». Non loin de disparaître, la sélection en M2 est en passe de se renforcer. Le M1 deviendra sélectif en droit (ce qui n’était pas encore le cas).
Inscrit dans la continuité de l’arrêté Licence de 2018 (et sa mise en place locale),  le LMD4 tend vers la suppression du droit à la compensation et aux rattrapages en modifiant les modalités de contrôle des connaissances (MCC). Ce que la présidence prévoit, c’est de permettre que dans chaque UE les matières puissent se compenser entre elles. Pour ce qui est de la compensation entre chaque UE, et entre les semestre, M.Bréchet (Vice président de la CFVU) avait clairement annoncé sa volonté de supprimer la compensation intégrale pour tous. Allant même jusqu’à expliquer que c’est la compensation qui était responsable du fait que des étudiant.e.s soient refusé en Master. On croirait entendre le gouvernement expliquant que supprimer des lits dans les hôpitaux améliore la qualité des soins.  
Quant aux rattrapages, aucune mention n’en est faite dans la lettre de cadrage, M.Bréchet avait, pourtant, clairement annoncé dans les conseils centraux, sa volonté de remettre en cause la possibilité pour tous les étudiant.e.s d’avoir accès à seconde session.  
Supprimer le droit à la compensation intégrale et aux rattrapages pour tous, dans un contexte où 60 % des étudiant.e.s sont obligé.e.s de se salarier, c’est pousser volontairement ces étudiants à l’échec. Supprimer ces droits, c’est une façon de sélectionner au cours de la licence. Par conséquent, avec le LMD4, on institutionnalise la sélection de la L1 au M2. 

Alors qu’il est nécessaire aujourd’hui de multiplier les bourses pour tous, ainsi que de développer un salaire étudiant, la présidence ne cherche pas de solution pour sortir les étudiants d’une précarité imposée : la seule solution qu’elle trouve, c’est d’adapter les emplois du temps, de renforcer les outils numériques, de sélectionner davantage et donc de dégrader les conditions d’études. Ainsi, nous défendons la mise en place d’un véritable statut social étudiant. Les cotisations sociales alimentent aujourd’hui un “pot commun” qui distribue les allocations familiales, les indemnités chômage ou les pensions de retraite. Ce “salaire socialisé” existe à quasiment tous les âges de la vie… sauf pour les jeunes en formation ! En tant que jeune travailleur intellectuel en formation, l’étudiant- e devrait en bénéficier par le biais d’un salaire anticipé (pré-salaire), prélevé dans ce “pot commun”, qu’il et elle pourra ensuite alimenter tout au long de sa vie en travaillant, suivant le principe de solidarité générationnelle. Nous défendons une rémunération forfaitaire, universelle dans l’accès et le montant, incompressible et à hauteur du SMIC pour permettre à chaque étudiant- e de faire ses propres choix d’étude, de vie ou de sexualité, indépendamment de la pression sociale ou familiale. Aujourd’hui, de nombreux jeunes dans le besoin ne sont pas éligibles aux aides délivrées par le CROUS car le calcul des droits s’appuie sur les deux dernières déclarations fiscales des parents. Cette situation d’infantilisation de notre génération ne peut plus durer ! 

Le LMD4 traduit un mépris important du savoir universitaire, de la création et de la diffusion du savoir, ainsi qu’une attaque de plus contre nos conditions d’études. IL ne constitue qu’une adaptation suiviste et soutenue de la politique gouvernementale répondant aux intérêts économiques de la classe dominante. L’université se doit de nous permettre l’acquisition de connaissances générales, le développement d’un esprit critique, et doit nous apporter des qualifications reconnues dans les conventions collectives. Nous nous opposons à ce projet de la présidence de Nanterre. Nous restons attachés au service publique de l’Enseignement Supérieur et de la recherche, et nous battons battre pour un financement 100% public à la hauteur des besoins.

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